CAN 2022 Féminine: la Marocaine Bouchra Karboubi, libre arbitre
Bouchra Karboubi a arbitré la finale de la Coupe de la Trône, le 14 mai 2022.
Bouchra Karboubi officie durant la Coupe d’Afrique des nations féminine (CAN 2022) au Maroc, son pays, où elle est un symbole. Le 14 mai dernier, elle est devenue la première femme du monde arabe à être arbitre principale lors d’une grande finale de football masculin. Rencontre.
Terrain annexe du Complexe Sportif Heritier Moulay El Hassan. Ce 12 juillet à Rabat, la Confédération africaine de football (CAF) a réuni les arbitres qui officient durant la Coupe d’Afrique des nations féminine (CAN 2022) au Maroc pour une session d’entraînement. Au milieu d’une trentaine de femmes en vert, ce n’est pas difficile de distinguer l’une des plus célèbres du continent : Bouchra Karboubi. La Marocaine de 35 ans dépasse presque toutes les autres d’une tête et donne le tempo des exercices du jour avec une voix claire et une autorité naturelle.
Logique sans doute pour celle qui travaille dans la police judiciaire de Meknès, lorsqu’elle n’est pas sur les terrains de foot. « Mes supérieurs et mes collègues m’encouragent toujours, ils me supportent, ils regardent mes matches et m’en parlent souvent, sourit-elle. Parfois, ils me font même des petites remarques. « Pourquoi tu as donné un carton rouge ? Pourquoi tu as sifflé ce penalty ? Explique-nous ceci ! Explique-nous cela ! » Mais ils me disent aussi tout le temps qu’ils sont avec moi. Et, pour eux, je suis la meilleure, parce que ce sont mes collègues ! »
C’est peut-être aussi parce que Bouchra Karboubi est devenue une star en même temps qu’un symbole, le 14 mai dernier. Ce soir-là, elle a arbitré finale de la Coupe du Trône, l’équivalent marocain de la Coupe de France ou de la FA Cup anglaise. « Ça a été un grand honneur et un immense plaisir pour moi. Je ne pourrais pas vous décrire le sentiment que j’avais le jour du match, souligne-t-elle. Vivre la joie d’une finale, ce n’est pas donné à tout le monde. Celle de la Coupe du Trône encore moins. C’est la coupe la plus importante au Maroc, celle qui touche le plus le cœur des Marocains et des Marocaines ».
Surtout, la policière est devenue la première femme du monde arabe à être arbitre principale lors d’une finale de grande compétition masculine. « J’ai fait pas mal de matches de championnat [masculin, Ndlr], rappelle-t-elle. Je pense que les regards ont changé. Les Marocains se sont habitués au fait de voir une arbitre femme. Tout le monde ou presque me connaît. Surtout les gens qui regardent le football ». Elle ajoute : « Quand je vois certaines petites filles, je sens que je suis une source d’inspiration. Elles me disent : « Eh, Madame l’arbitre, j’espère être un jour comme vous. » J’éprouve de la fierté d’être un modèle pour ces filles. »
Bouchra Karboubi estime que certaines perceptions sur la place des femmes dans le ballon rond ont évolué, dans son sillage. « On y arrivé même si ce n’est pas facile, lance-t-elle. On a pu le faire et montrer au monde que c’était possible. On a pu changer la mentalité de certaines personnes au Maroc. C’était un grand défi à relever et je l’ai réussi ».
C’est une petite revanche. Car elle a dû composer avec le refus parfois âpre d’une partie de sa famille, mécontente de la voir dans ce domaine, lorsqu’elle était plus jeune. « C’est vrai qu’au début, j’avais des difficultés avec mes frères et avec ma famille là-dessus, admet-elle. Mais en général, dans nos sociétés, dans le monde arabe, ce n’est pas pareil qu’au Ghana, au Cameroun, au Rwanda ou dans d’autres pays d’Afrique. La mentalité arabe, dans des pays comme la Tunisie, l’Égypte ou le Maroc, fait que c’est difficile d’avoir une femme qui arbitre des matches d’hommes ».
La Marocaine Bouchra Karboubi (au centre) avec les autres arbitres officiant durant la CAN 2022 Féminine.
La Marocaine Bouchra Karboubi (au centre) avec les autres arbitres officiant durant la CAN 2022 Féminine.
Arbitrer en Coupes du monde, prochains objectifs
La native de Taza (Nord-Est du Maroc) espère désormais bientôt être sélectionnée pour la Coupe du monde féminine 2023. Et, à plus long terme, pour le Mondial masculin. « Nos modèles, ce sont la Française Stéphanie Frappart et notre Salima Mukansanga qui vont nous représenter à la Coupe du monde masculine 2022. On espère être un jour comme elles », glisse Bouchra Karboubi.
Cette dernière suit son chemin, en attendant. Elle a par exemple fait partie de l’équipe qui a dirigé la finale de la dernière Coupe d’Afrique des nations masculine remportée par le Sénégal. Une expérience complémentaire. « Une bonne arbitre, c’est quelqu’un qui prend la bonne décision au bon moment, théorise celle qui avait déjà participé à la CAN 2018 féminine au Ghana. Et pour cela, il faut beaucoup de choses : une bonne lecture du jeu, une bonne anticipation, une bonne condition physique, avoir une bonne analyse des situations… » Il faut aussi du courage et du caractère quand on est arbitre. Le soutien des Marocain(e)s y contribue. « Tout le monde m’encourage, assure en effet l’intéressée. Les fans me soutiennent même dans la rue. Ça fait vraiment plaisir et ça me donne l’envie de travailler toujours plus ».rfi