Conférence-débat de l’AVCB autour du thème : «Indépendance de la Guinée acteurs et rôles »
A l’aube de la célébration du 61ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance de la République de Guinée. le 2 octobre 1958, L’Association des Victimes du Camp Boiro (AVCB) a bien voulu marquer un grand coup en cette date. C’était le samedi, 28 septembre 2019 ; en organisant une conférence-débat autour du thème « Indépendance de la Guinée les acteurs et leurs rôles ». C’était dans l’enceinte du Centre International de Recherche et de Documentation ‘’CIRD’’, sis à Kipé, dans la Commune urbaine de Ratoma à Conakry qui a servi de cadre à cette grande rencontre.
A cette occasion, les organisateurs ont estimé qu’il était important de savoir qu’il est de notre mémoire collective que c’est à cette date du 28 septembre 1958, que le peuple de Guinée avait rejeté la proposition du Général De Gaulle avant de faire un choix, celui d’aller à l’indépendance totale de notre pays.
Selon les organisateurs, le choix du thème de cette conférence-débat a surtout pour objectif de partager cette étape charnière de l’histoire de notre pays, pour la mettre à l’abri de l’altération et de la manipulation. Pour éclairer d’avantage, les organisateurs ont fait appel à des intellectuels qui ont marqué leurs références dans l’histoire tumultueuse de notre pays.
Autour de la table des conférenciers, on notait la présence de M. Alyou Barry, éminent écrivain de son état, et M. Facély 2 Mara, président de l’association des éditeurs de Guinée ainsi que Mme Hawa Dramé, présidente du conseil d’administration des victimes du Camp Boiro, qui assurait le rôle de modératrice.
Prenant la parole, M. Aliou Barry, écrivain, témoin de la période de l’indépendance de la Guinée, a tenu à souligner la fierté que fut celle de tous les Guinéens, toutes ethnies et tous partis politiques confondus, d’avoir choisi l’indépendance en votant ‘’non’’ le 28 septembre 1958. Il a aussi souligné que le référendum de 28 septembre 1958, fut une gloire pour laquelle chaque guinéen avait inlassablement œuvré pour mener notre pays à sa souveraineté nationale.
Il a également noté en particulier, celle de la jeunesse guinéenne : « les élèves et étudiants qui étaient en vacance à cette époque là et qui avaient fait la campagne du ‘’Non’’, avaient massivement mobilisé les électeurs dans les bureaux de vote ». Plus de 60 ans après, l’écrivain Barry admet que « le 28 septembre était une chance unique à la Guinée d’accéder à l’indépendance ». Mais il a tenu à souligner que si le choix du ‘’non’’ n’a jamais souffert d’un quelconque regret; l’histoire de notre jeune Etat avait engendré cependant, beaucoup de déception et de désillusion. La suite ne fut malheureusement pas heureuse.
A ce niveau des débats, c’est le témoignage poignant de M. Filloi Moïse, membre de l’AVCB qui vient attester si besoin en était, du climat délétère qui aurait prévalu après la proclamation de l’indépendance nationale.
N’ayant pas véritablement connu son père, une des victimes de la période qui a suivi notre indépendance, témoigne : « dans ma jeunesse, j’ai toujours été choqué du fait que je voyais permanemment mes amis avec leurs papas, alors que moi, je me demandais ou était passé le mien. Je ruminais constamment dans ma petite tête, la question de savoir qu’est-ce qui était arrivé à mon père. Mon rêve de l’époque, comme tout autre enfant de cet âge, était de trouver la bonne personne qui pourrait m’expliquer ce qui était réellement arrivé à mon père. Mais avec le climat de suspicions et de méfiances qui s’installaient dans la cité, il n’y a eu personne pour m’apporter une quelconque réponse. Mais, finalement, j’ai fini par découvrir l’essentiel de ce qui lui était arrivé », a-t-il lancé.
Par ailleurs, comme elle le fait depuis de nombreuses années, l’Association des victimes du camp Boiro réitère son souhait de la tenue d’un processus de justice-vérité et réconciliation. Pour sa part, Hawa Dramé, présidente du conseil d’administration et modératrice, a vivement plaidée pour la tenue prochaine, d’un tel processus. D’autant que selon elle, c’est un passage obligé pour que le pays soit enfin libéré de ses démons : « L’adversaire des victimes, c’est l’Etat guinéen ; c’est un crime d’Etat, et tant que ce crime d’Etat ne sera pas reconnu comme tel, et élucidé, tant que les personnes qui ont été victimes ne seront pas réhabilitées dans leur droit, notre pays ne pourra avancer », a-t-elle prononcé haut et fort.
Au cours de sa brillante et édifiante intervention, M. Facély 2 Mara, président de l’association des éditeurs de Guinée, après avoir remercié les membres de l’AVCB pour leur initiative, s’est attelé à souligner l’importance des rôles que des communautés ou des groupes de communauté ont pu jouer dans l’histoire de différentes nations. Pour élucider ses propos, il a évoqué le rôle que fut celui des tirailleurs sénégalais durant les deux guerres mondiales. Il a aussi parlé de la guerre de Dien Bien Fu avec les hommes du général Jeans, avant d’expliquer brièvement le rôle qu’à joué la Base Guinée pour l’accession de la Guinée à la souveraineté nationale.
Selon lui, les Soussous auraient joué à leur tour, une partition importante pour permettre à notre pays d’accéder à l’Independence nationale, sans occulter l’apport que les partis politiques et les associations de tout bord ainsi que les intellectuels africains notamment : Aimer Césaire, Léopold Sédar Senghor, Houphouët-Boigny, Ahmed Sékou Touré, etc.
Selon les conférenciers : ‘’si notre histoire contemporaine a été marquée par le tournant émancipateur du 28 Septembre 1958 ; elle a aussi connue des vicissitudes douloureuses dont les conséquences les plus notoires sont les multiples tueries et répétées, de valeureux fils et filles de notre pays, sans aucune forme de procès et le règne de l’impunité, toutes choses de nature à hypothéquer très gravement notre devenir commun.
Pour mémoire, ces pendus que la brise marine balançait outrageusement au bout d’une corde, étaient des patriotes émérites. Ils figuraient dans la vague des pendaisons iniques orchestrées ce jour-là dans l’ensemble du pays, ainsi que par le peloton d’exécution qui officièrent durant la même nuit, emportant 80 personnes : c’étai la nuit du 24 au 25 janvier 1971.Dans une programmation digne des pire méthodesNazies, ces victimes expiatoires avaient été extraites nuitamment, dans des différents espaces de concentration humaine, dont notamment, le camp Kêmê Bouréma de Kindia et le triste camp Boiro de Conakry, pour être immolées sur l’autel de la haine et de l’injustice, à travers l’ensemble du pays et dont le seul but était de frapper fort dans l’esprit d’éventuels contestataires : Avec une seule stratégie, diffuser et renforcer la terreur près du Peuple opprimé.A Conakry, c’étaient de gauche à droite, Ibrahima Barry III, Baldé Ousmane, Magassouba Moriba et Kéita Kara de Soufiane, tous de hauts cadres qui occupaient de haute fonction et compagnons de l’indépendance.
Depuis lors, tants de choses ont changé sans que personne, à ce jour, n’ait endossé le devoir de justice dont la charge pèse et continuera de peser sur le destin de la Guinée, tant que ces victimes du si long litanie sd’iniquité n’auront pas recouvré la place, toute la place qui est la leur dans le Panthéon de la Guinée, notre pays ne pourra pas avancer.
Voici la composition du premier gouvernement de la République de Guinée depuis le 2 Octobre 1958
Président du Conseil chargé des Affaires Etrangères et de la Défense Nationale: M. Ahmed Sékou Touré ;
Secrétaires d’Etat rattachés à la Présidence du Conseil MM.
Moussa Diakité (fusillé en 1985) ;
Ibrahima Barry dit Barry III (pendu en 1971) ;
Fodé Cissé (mort en prison en 1965?) ;
N’Famara Keita (mort en prison en 1986?) ;
Ministre des Finances: M. Alioune Dramé (mort de la diète noire au Camp Boiro en 1976) ;
Secrétaire d’Etat aux Finances chargé des Douanes et du Trésor: M. Ousmane Baldé (pendu en 1971) ;
Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité: M. Fodéba Keita (fusillé en mars 1969) ;
Secrétaire d’Etat à l’Intérieur chargé de l’Information: M. Alassane Diop (libéré après 10 ans de prison au Camp Boiro) ;
Ministre de la Justice: M. Damantang Camara (mort à sa sortie de prison vers 1986-87) ;
Ministre des Travaux Publics, des Transports, des Postes et Télécommunications: M. Ismaël Touré (fusillé en 1985) ;
Secrétaire d’Etat aux Travaux Publics chargé des Télécommunications: M. Abdoulaye Diallo (mort naturelle vers 1994) ;
Ministre des Affaires Economiques et du Plan: M. Louis Lansana Béavogui (mort en prison à Kindia) ;
Ministre de la Production: M. J. E. Mignard (retourna en France) ;
Ministre de l’Economie Rurale, du Paysannat et de la Coopération: M. Abdourahmane Diallo (mort naturelle en 1967) ;
Ministre de l’Education Nationale: M. Diawadou Barry (fusillé en mars 1969) ;
Ministre de l’Enseignement Technique: M. Michel Collet (démissionnaire, mort en exil) ;
Ministre de la Santé Publique: M. Roger Najib Accar (s’exila et retourna en Guinée à la mort de Sékou Touré, en vie en 2006 ;
Ministre du Travail et des Affaires Sociales: M. Bangaly Camara (assassiné au Camp Boiro) ;
Les membres du premier Gouvernement de la République de Guinée sont au nombre de 18: 11 ministres et 7 secrétaires d’Etat.
Treize connurent la prison
Neuf y périrent assassinés, ou de maladie
Sept sont morts naturellement
Et un est toujours en vie en 2006.
A noter : cette conférence-débat n’est que la première d’une série qui continuera jusqu’en 2020. Des prises de photos a mis fin à cette conférence-débat.
Par Issiaga Camara (Fazo) pour guinee-info.com- 624-34 -42 -72- issiagafazo66@gmail.com