Interview exclusive avec le Directeur Général du CNSHB
« Il s’agit pour nous de préserver l’écosystème, c’est-à-dire, tout ce qui est lié aux mangroves et à l’eau », dixit Dr. Bamy Lamine Idrissa
Créé en 1985 avec l’appui de l’Institut Français pour le Développement (l’IRD ) appelé à l’époque l’Orson, le Centre National des Sciences Halieutiques de Boussoura (CNSHB) est un établissement public à caractère scientifique et administratif, doté d’une autonomie financière.
Le centre est un service transversal et sa mission est la production des connaissances sur le secteur de la Pêche, de l’Aquaculture et de l’Economie Maritime, pour la prise de décision en matière du développement durable de nos ressources halieutiques. Il fournit un ensemble de connaissance de tous les secteurs de la filière pêche en Guinée. C’est dire que même si le CNSHB n’existait pas, il fallait l’inventer pour un véritable développement du secteur.
C’est pourquoi, le Directeur général du Centre National des Sciences Halieutiques de Boussoura (CNSHB), Dr. Bamy Lamine Idrissa désire s’inscrire ainsi dans la dynamique du changement prôné par le Président de la République, Pr. Alpha Condé préoccupé d’assurer aux populations la sécurité alimentaire. Il s’agit de faire connaitre davantage le centre et lui donner sa vraie physionomie, en privilégiant le partenariat.
Nos reporters l’ont rencontré pour communiquer sur le rôle primordial, les problèmes qui assaillent ce service d’utilité publique, les enjeux et les perspectives, pour asseoir une gestion saine et transparente.
Guinee-info.com: Quelle est la place et le rôle du Centre au sein du Département de la Pêche, de l’Aquaculture et de l’Economie Maritime ?
- BAMY IDRISSA LAMINE : La mission du Centre National des Sciences Halieutiques de Boussoura, c’est la production des connaissances sur le secteur de la pêche, de l’aquaculture et de l’économie maritime, pour la prise de décision en matière du développement durable de nos ressources halieutiques. Il fournit un ensemble de connaissance de tous les secteurs de la filière pêche en Guinée.
Pour assumer cette mission, il y a un organigramme, le Conseil d’Administration, le Directeur général et le conseil scientifique, il y a aussi un secrétariat et un conseiller scientifique, qui appuient la Direction. L’ensemble des formations et les affaires courantes en l’absence du Directeur Général, sont assumées par un intérim, le Directeur Général adjoint.
En plus, nous avons des départements de recherches qui sont directement gérés par le Directeur. Ce sont entre autres des départements de recherches : Le département de la pêche artisanale et industrielle, la pêche continentale et les départements de gestion du littoral. Vous remarquerez que l’ensemble des préoccupations du Ministère de la Pêche, de l’Aquaculture et de l’Economie Maritime, sont représentées au niveau de la recherche c’est-à-dire que toutes les directions qui interviennent, sont de façon transversale, représentées au niveau de la recherche.
Nous avons aussi les services d’appui, notamment le service de gestion de navires, un navire de recherche qui nous permet de faire des campagnes d’évaluation directe pour savoir quel est l’état de nos ressources. Il y a le service valorisation et documentation, qui nous permettent de diffuser l’ensemble de nos informations à tous les acteurs de la pêche sur le plan national et international, afin qu’ils sachent exactement, ce que le centre fait.
Ajouté à cela le service informatique qui s’occupe de tout ce qui est lié à l’informatique, à notre base de données, à nos calculs concernant la biomasse et le potentiel, éléments essentiels pour déterminer le quota et le nombre de licences qu’il faut livrer aux bateaux pour qu’ils pêchent sans causer de préjudice, à nos ressources.
Le service administratif et financier a, à son niveau, la comptabilité du matériel, là je parle des outils fondamentaux pour faire le travail.
Nous détenons le navire ‘’Général Lansana Conté’’, un don du gouvernement japonais et qui, aujourd’hui, fait ses preuves non seulement en Guinée, mais aussi dans toute la sous-région pour évaluer les ressources. Voila, en substance, comment le centre est organisé. Mais, quelles sont les choses qui sont ciblées réellement ! D’abord notre objectif est de préserver l’écosystème, c’est-à-dire, tout ce qui est lié aux mangroves et à l’eau.
Nous avons les ressources, c’est-à-dire, les poissons et l’ensemble des ressources exploitables, les crevettes, etc. il y a également l’exploitation, autrement tout ce qui concerne les navires qui prélèvent les ressources et qui les commercialisent, nous observons comment la communauté des pécheurs fonctionne, avec la valorisation des produits obtenus à l’issue d’exploitation de ces produits valorisés et achetés, toute la rentabilité est gérée au niveau du CNHSB.
Le centre compte 165 travailleurs dont 34 chercheurs, 6 cadres de l’administration et 70 contractuels. Et, parmi ces 70 contractuels, nous avons des techniciens dont 54 contractuels et le reste, c’est ce que nous appelons services généraux, les balayeurs et les chauffeurs.
Quel rapport existe-t-il entre le CNSHB et le Centre National de Surveillance et de la Protection des Pêches (C.N.S.H)?
Question intéressante ! Voilà les deux services qui sont intimement liés. Le centre, comme je vous l’ai dit, c’est la ressource. On parle de surveillance, c’est quand la ressource existe, s’il n’y a pas de ressource, on ne peut pas parler de surveillance. Donc, il ya une complémentarité entre ces deux centres. Les observateurs, les recommandations, les gens sont formés au centre national des Sciences Halieutiques de Boussoura, en principe, pour les embarquer au niveau des navires pour récolter des données, une fois que ses données sont recueillies avec les observateurs embarqués, ces données sont traitées au niveau du CNHSB pour le plan d’aménagement. Voilà deux services qui sont fortement reliés. Si tu entends conserver la ressource, c’est qu’il faut une bonne surveillance. Pour cela, il faut déterminer la quantité qu’il faut pécher.
Cette quantité est définie par ledit centre, appelée potentiel exploitable. On évalue la quantité des ressources halieutiques qu’il faut préserver sur la biomasse et à partir de cette biomasse, nous déterminons la quantité de poissons qu’il faut enlever, sans porter préjudice à la ressource, afin que la ressource à conserver s’achemine jusqu’aux générations futures.
Mais, pour contrôler cette ressource, il faut une surveillance accrue, donc c’est cette complémentarité qui existe entre la recherche et la surveillance.
Les difficultés que vous rencontrez par rapport à la recherche et à la surveillance ?
On peut dire, qu’on rencontre des difficultés. Pourquoi, parce qu’il faut reconnaitre qu’on vient de loin. A un moment donné, nous avons constaté la baisse des indices d’abondance, les prises par unité d’effort, on rencontrait assez d’obstacles au niveau de la pêche artisanale et on a reçu des critiques de l’Union Européenne qui exigeait une bonne surveillance. Donc, cela a été fait, c’est ce qui nous a amené à sortir de la pêche illégale non réglementée.
Et cela, grâce à la perspicacité du Président de la République. Il avait été demandé de faire une évaluation, pour savoir l’état de la ressource en 2015. Ce travail a été fait, ces données ont été aussi appréciées et acceptées. Et, depuis 5 ans, le centre bénéficie régulièrement des financements non seulement de l’Etat guinéen, mais aussi de nos partenaires étrangers, pour faire des campagnes d’évaluation et comprendre qu’est-ce la ressource. C’est pour dire qu’aujourd’hui, nos ressources commencent à se porter bien et les indices d’abondance ont augmenté.
Par la même occasion, j’invite les journalistes à s’intéresser au secteur et à faire assez d’investigations. Par manque de communication, il y avait un conflit entre la pêche artisanale et celle industrielle, mais qui a été résolue, après un rapprochement entre les deux parties. Ce sont deux services complémentaires, si la recherche n’évalue pas convenablement, il va sans dire que nous allons assister à la chute complète de nos ressources. Mais, si la recherche fait son travail et la surveillance le tien, en prenant en compte les recommandations, en synergie avec la recherche, il va sans dire que les ressources halieutiques seront toujours bien conservées en Guinée.
En quoi les rapports de missions des observateurs marins du Centre National de Surveillances de Pêche (C.N.S.P) intéresseraient le CNHSB ?
A un moment, il y avait d’abord la formation des observateurs du centre de surveillance puisqu’ils vont prendre soin des ressources halieutiques. La formation était faite simultanément à l’époque, par le CNHSB. Il y avait un accord de partenariat avec CNHSB et le CNSP. On les formait sur la reconnaissance des espèces, ils embarquaient les gens dans ce cadre et cela a fonctionné pendant un bon moment. Ce qui a été arrêté par la suite. Pendant cette période, on détectait des observateurs qui n’avaient pas la compétence d’identifier les espèces.
Il y a une fiche que vous devez emporter avec vous, tout un intellectuel peut bien remplir cette fiche. Mais, notre mission, est de voir la qualité et les renseignements de ces fiches, qui rentrent dans l’élaboration du plan d’aménagement. Il y a d’abord largement des données scientifiques, notamment l’évaluation directe avec les bateaux. Car, nous avons nos propres enquêteurs au niveau de la pêche artisanale, qui récapitulent les données avec les données du centre de surveillance, qui viennent compléter ces données.
Notre vocation, ce n’est pas de masquer ces données, mais bien au contraire. Aujourd’hui, on nous trouve même un peu rigoureux sur le potentiel et les données que nous livrons pour le plan d’aménagement des pêches. Le centre, une fois que les données viennent ici, ces mêmes données sont encore examinées par une commission spéciale interne.
Pour cela, nous regardons ce qui est bon, nous éliminons ce qui ne l’est pas bon, ensuite nous les retenons pour faire le bulletin, afin d’apporter les éléments non seulement pour le plan d’aménagement, mais aussi pour le bulletin scientifique.
Mais, tous ces travaux se font ici. Je tiens à vous mettre à l’aise, pour vous dire que le travail est bien fait. Evidement, il ya certains observateurs qui travaillent mal. Nous les détectons par ce que c’est nous qui avons les fiches qui sont élaborées à notre niveau. Dire que le centre masque les données des observateurs, je dirai non ! Si le centre masque les données des observateurs, je crois qu’on n’aurait pas eu ce plan d’aménagement que nous avons maintenant.
Explique-nous, pourquoi on observe en cette période le repos biologique ?
En ce qui concerne le repos biologique, on est parti d’un constat, à partir des indices d’abondance, c’est-à-dire les captures par unité d’effort qui avaient complément diminué. En 1985, il était à 240 kg par trente minutes de pêche de trait. Par exemple, quand vous lancez le filet de façon élémentaire, vous le relevé en 30 minutes. Avant, on avait 240kg, voire150Kg pour les espèces.
En 1992, on s’est rendu compte qu’il y avait 10kg par 30 minutes de trait. Non seulement le temps de pêche était devenu compliqué pour les pêcheurs, qui mettaient plus de temps. La quantité de carburant consommée devenait plus grande puisque les zones de pêche étaient reculées, il fallait passer plus de temps de pêche pour avoir des poisons.
Raison de se demander pourquoi cet état de fait. Lorsqu’on a remarqué que dans les débarquements, certaines espèces qu’on retrouvait en abondance, avaient disparu.
C’est alors qu’on a fait un travail de préposition avec les partenaires, pour dire qu’il est temps d’instaurer le repos biologique comme mesure d’aménagement, puisque d’autres mesures étaient déjà là. Mais, quand la situation devenait critique, on a dit qu’il faut instaurer le repos biologique.
En quoi consiste le repos biologique ? C’est de définir une zone pour interdire la pêche, afin de permettre aux ressources, de se régénérer, soit une espèce ou un groupe d’espèces.
Et pour le cas spécifique de la Guinée, on a opté pour la pêche artisanale, c’est-à-dire, l’interdiction de l’intervention des bateaux de la pêche industrielle au niveau de la pêche artisanale. C’est ainsi que pendant 2 mois, on a vu que c’était la période de grande reproduction. Finalement, on a instauré le mois de juin et août, pour le repos biologique. Quand on l’a instauré, on a vu que la ressource s’est régénérée, le rapport en fait foi. Ensuite, on a mené une campagne d’évaluation au niveau des pêcheurs. Certains pécheurs interrogés, ont recommandé de continuer cette mesure. Recommandation acceptée par les bailleurs de fonds. A ce jour, cela fait cinq ans depuis que ce repos biologique est instauré.
Dès lors, nos ressources se portent bien. Avec cela, nous allons voir s’il faut toujours continuer à maintenir ce repos biologique ou diminuer la période. Cela reste à étudier.
Que pensez- vous des 9 ans de gouvernance du Pr Alpha Condé ?
La gouvernance du Pr Alpha Condé est caractérisée par des acquis fondamentaux et incontestables à savoir : Les réformes administratives, la promotion des femmes et des jeunes, les projets d’électrification (Kaléta et Souapiti), les reformes au sein du secteur minier, la promotion des différentes régions administratives à travers la délocalisation des fêtes de l’indépendance, la promotion de l’Hôtellerie et du Tourisme, la reforme des Forces de Défenses et des Services de Sécurité, la modernisation de l’Administration, la sortie de la Guinée de la pêche illégale non réglementée etc.… Grâce à l’implication personnelle du Président de la République.
Avez-vous un mot à ajouter ?
Ce que j’ai à dire à la population guinéenne et à la communauté des pêcheurs, c’est de faire confiance à la recherche. Le chercheur a un rôle de conseiller et d’alerte. Beaucoup de bateaux européens viennent pêcher en Afrique. En République de Guinée, nous avons une particularité avec ce repos biologique, qui nous mène à une pêche responsable.
Et, au bout du compte, observons une diminution drastique de nos ressources. Aujourd’hui, ce phénomène est en train de disparaitre. Les espèces qu’on ne rencontrait plus dans les débarquements, se retrouvent dans tous les débarquements. La biomasse, c’est-à-dire, la quantité des ressources halieutiques, a augmenté. Nous sommes désormais sortis de la pêche illégale, je pense que nous devons nous battre pour maintenir ce cap. Vu les efforts du gouvernement pour soulager la population, le poisson coûte moins cher en Guinée par rapport aux pays limitrophes. Nous avons fait des études sur ce cas précis, avec des chiffres à l’appui.
A propos, nous sollicitons le soutien et l’appui du gouvernement et de ses partenaires pour permettre à la recherche, avec un plan stratégique déjà élaboré, d’assumer pleinement son rôle.
Propos recueillis par Issiaga Camara pour guinee-info.com