France: ce qu’il faut retenir de la déclaration de politique générale d’Elisabeth Borne
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Élisabeth Borne, prononce son discours de politique générale à l’Assemblée nationale à Paris, France, le 6 juillet 2022.
Face à un Parlement défiant où elle ne dispose pas de majorité absolue, Elisabeth Borne prononce ce mercredi sa déclaration de politique générale. Elle n’engagera pas sa responsabilité mais doit appeler les oppositions à « bâtir ensemble » des compromis.
En quête de compromis dans un Parlement fragmenté, Élisabeth Borne dévoile mercredi ses priorités lors de sa déclaration de politique générale, sans engager sa responsabilité devant l’Assemblée nationale où la coalition de gauche de la Nupes a déposé une motion de censure.
Contrairement à nombre de ses prédécesseurs, la Première ministre ne se soumettra pas à un vote de confiance après avoir exposé sa méthode de gouvernement, à partir de 15h devant les députés puis à 21h devant les sénateurs. Les chefs de file des différents groupes interviendront à sa suite dans une ambiance qui s’annonce électrique. Entourée de plusieurs ministres, elle s’est dite « sereine et concentrée » en rejoignant à pied l’Assemblée nationale depuis l’Hôtel de Matignon.
Un appel au « compromis »
La nouvelle Première ministre a commencé par appeler à trouver « des compromis » et à « bâtir ensemble » les solutions aux défis des prix de l’énergie ou du climat, ajoutant que « le désordre et l’instabilité ne sont pas des options » .
Lançant sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, la Première ministre a assuré vouloir mener « pour chaque sujet une concertation dense ». « Nous aborderons chaque texte dans un esprit de dialogue, de compromis et d’ouverture », a-t-elle insisté, en appelant à construire des « majorités de projet ».
La réforme des retraites et de Pôle Emploi en ligne de mire
Elle a ensuite prévenu que les Français devraient « travailler progressivement un peu plus longtemps ».
« Notre pays a besoin d’une réforme de son système de retraite », réforme qui « ne sera pas uniforme », qui « devra prendre en compte les carrières longues et la pénibilité » et « veiller au maintien dans l’emploi des seniors », a ajouté la Première ministre, précisant que cette réforme serait menée « dans la concertation avec les partenaires sociaux, en associant les parlementaires le plus en amont possible ».
La réforme « n’est pas ficelée. Elle ne sera pas à prendre ou à laisser. Mais elle est indispensable », a assuré Elisabeth Borne, notamment « pour bâtir de nouveaux progrès sociaux », « pour la prospérité de notre pays et la pérennité de notre système par répartition ».
Le président de la République Emmanuel Macron, qui veut le report de l’âge de la retraite à 64 ans, voire 65 ans, à raison de quatre mois supplémentaires par an à partir de 2023, avait affirmé en mai son souhait de voir cette réforme mise en œuvre à l’été 2023, un calendrier compatible avec un démarrage des discussions à la rentrée de septembre.
Élisabeth Borne a également estimé que le plein emploi était « à notre portée » et passait par une simplification de l’accompagnement « trop complexe » des chômeurs à travers une « transformation de Pôle emploi en France Travail ». La Première ministre n’a pas fixé de date ou de chiffre précis pour cet objectif. Le plein emploi en France est généralement considéré comme un taux de chômage autour de 5%.
« Lors du précédent quinquennat, nous avons déjà parcouru la moitié du chemin vers le plein emploi », a-t-elle souligné. À 7,3%, le taux de chômage est « le plus bas depuis 15 ans », conséquence selon elle des réformes de l’apprentissage, de l’assurance chômage, de l’investissement dans la formation des demandeurs d’emploi et du plan « un jeune, une solution ». Pour atteindre le plein emploi, « nous devons ramener vers l’emploi celles et ceux qui sont les plus éloignés du marché du travail », a-t-elle estimé.
Renationaliser EDF
La France veut renationaliser à 100% la compagnie d’électricité EDF, a ensuite annoncé la Première ministre. « Je vous confirme aujourd’hui l’intention de l’État de détenir 100% du capital d’EDF. Cette évolution permettra à EDF de renforcer sa capacité à mener dans les meilleurs délais des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique », a-t-elle déclaré devant l’Assemblée nationale.
L’État français détient aujourd’hui près de 84% de l’électricien, 1% étant détenu par les salariés et 15% par des actionnaires institutionnels et individuels. Le groupe, déjà fortement endetté, est confronté à de lourdes charges financières et est aussi mis au défi par le gouvernement français de lancer un nouveau programme de réacteurs nucléaires. « La transition énergétique passe par le nucléaire », a affirmé Élisabeth Borne, reprenant la position adoptée dès cet hiver par le président Emmanuel Macron.
Des « réponses radicales à l’urgence écologique »
La Première ministre a promis des « réponses radicales à l’urgence écologique », que ce soit « dans notre manière de produire, de nous loger, de nous déplacer, de consommer ». « Dès le mois de septembre, nous lancerons une vaste concertation en vue d’une loi d’orientation énergie-climat », a-t-elle annoncé lors de sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale.
« Nous allons définir ensemble un plan d’action. Un plan de bataille » pour une « révolution écologique », a-t-elle martelé, ajoutant que chaque ministre aurait une « feuille de route climat et biodiversité » et qu’elle-même chapeauterait la planification écologique. Des « objectifs de réduction d’émissions, des étapes et des moyens appropriés » seront définis « filière par filière, territoire par territoire », avec les élus locaux qui « bien souvent, dans leurs territoires, ont montré le chemin », a-t-elle insisté.
La France sera la « première grande nation écologique à sortir des énergies fossiles » afin de garantir sa « souveraineté énergétique » face à des pays producteurs d’hydrocarbures comme la Russie, a-t-elle promis.
Suppression de la CVAE
Concernant enfin les impôts, la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), un des impôts de production payé par les entreprises, sera bien supprimée « dès la loi de finances 2023 », a annoncé Elisabeth Borne.
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« Concrètement, ce sont près de 8 milliards qui permettront de renforcer la compétitivité de nos entreprises, aux trois quarts des PME et des ETI », a-t-elle déclaré devant l’Assemblée nationale, ajoutant que cette perte de ressource pour les collectivités sera compensée. La suppression de cet impôt, très critiqué par les entreprises qui y voient un obstacle à leur compétitivité, était une promesse d’Emmanuel Macron.
Un grand oral chahuté
Pendant une intervention de près de 1h30, la Première ministre aura fait front dans un hémicycle agité, notamment du côté de la Nupes. Trente-et-un ans après sa seule prédécesseur Édith Cresson, chahutée et moquée pour sa voix jugée trop fluette, Elisabeth Borne, 61 ans, répète à maintes reprises le mot « ensemble ». En gage de cette volonté, elle prend le soin de citer les noms des différents présidents de groupes politiques, à l’exception du RN et de LFI.
Sa déclaration de politique générale ne s’est pas conclue par un vote de confiance, non sollicité. Faute d’« autre choix » selon eux, l’alliance des gauches, la Nupes a déposé sa motion de censure, rebaptisée « motion de défiance », une demi-heure avant que Mme Borne ne prenne la parole. Elle ne sera pas débattue avant vendredi après-midi au plus tôt, et possiblement en début de semaine prochaine, avec très peu de chance d’être adoptée.
En face du Palais Bourbon, des militants insoumis ont organisé à la mi-journée un petit happening avec une cérémonie de mariage fictive entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, pour dénoncer « l’enterrement du front républicain ».
(Avec agences)