Société: Abaya : le Conseil d’Etat valide l’interdiction à l’école

La plus haute juridiction administrative estime « que l’interdiction du port de [l’abaya et du qamis] ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».
Le Conseil d’Etat a avalisé l’interdiction du port de l’abaya dans les écoles, collèges et lycées publics dans une décision rendue jeudi 7 septembre.
La plus haute juridiction administrative avait été saisie en urgence par l’association Action droits des musulmans (ADM) pour obtenir la suspension de cette mesure. Le référé a été rejeté, le juge estimant « que l’interdiction du port de ces vêtements [l’abaya et son pendant masculin, le qamis] ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».
Pour les plaignants, l’interdiction de cette longue robe traditionnelle à l’école, annoncée le 27 août par le ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, « porte atteinte aux droits de l’enfant, car elle vient viser principalement les enfants présumés musulmans, créant ainsi un risque de profilage ethnique à l’école ».
Le ministre a aussitôt salué sur X (ex-Twitter) « une décision importante pour l’école de la République », qui doit « accueillir tous les élèves, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, sans discrimination ni stigmatisation ».
Vêtement traditionnel
A l’inverse, l’avocat de l’ADM, Vincent Brengarth, a déploré « la pauvreté de la motivation » de la décision, estimant que le juge « n’a absolument pas pris en considération les témoignages » en « niant la dimension traditionnelle » de l’abaya.
Cette question de l’aspect religieux ou non de l’abaya avait dominé l’audience mardi, les plaignants parlant de vêtement traditionnel et dans certains cas d’« effet de mode ». Mais pour le ministère de l’éducation nationale, ce vêtement « fait immédiatement reconnaître celui qui le porte comme appartenant à la religion musulmane ».
Le Conseil d’Etat est allé dans ce sens : le juge des référés relève en effet « que le port de l’abaya et du qamis au sein des établissements scolaires, qui a donné lieu à un nombre de signalements en forte augmentation au cours de l’année scolaire 2022-2023, s’inscrit dans une logique d’affirmation religieuse, ainsi que cela ressort notamment des propos tenus au cours des dialogues engagés avec les élèves ». En conséquence, son interdiction « ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée, à la liberté de culte, au droit à l’éducation et au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant ou au principe de non-discrimination », a-t-il estimé.
Le Conseil d’Etat rappelle également que « la loi interdit, dans l’enceinte des établissements scolaires publics, le port par les élèves de signes ou tenues manifestant de façon ostensible, soit par eux-mêmes, soit en raison du comportement de l’élève, une appartenance à une religion ».
Environ 300 élèves sur 12 millions avec une abaya à la rentrée
Dans un communiqué, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a « pris connaissance » de cette décision. Il a alerté sur certains « comportements intolérables de la part de quelques membres du corps éducatif envers des élèves de confession musulmane », refoulées, selon lui, parce qu’elles portaient « un kimono ou une simple chemise et un pantalon amples ».
Lors de l’audience, la présidente de l’ADM, Sihem Zine, avait dénoncé une interdiction « sexiste », car « elle ne vise que les filles ». « Ce sont les Arabes qui sont visés », selon elle. Une inquiétude partagée par le CFCM, qui a mis en garde contre des « risques élevés de discriminations », en se réservant le droit de saisir lui aussi le Conseil d’Etat. M. Brengarth avait, lui, dénoncé une inflexion par rapport au droit existant et la « volonté de faire une sorte de cheval de bataille politique » sur un sujet « résiduel ».
Lundi, quelque 300 élèves, sur les 12 millions ayant fait leur rentrée cette semaine, se sont présentées en abaya devant leur établissement ; 67 d’entre elles ont refusé de la retirer, selon le ministère de l’éducation nationale.
Dans son message sur les réseaux sociaux, M. Attal a exhorté : « Cette clarification étant faite, concentrons-nous sur les autres grands défis que doit relever notre école : lutte contre le harcèlement, élévation du niveau général, attractivité du métier d’enseignant, restauration de l’autorité des savoirs. » Le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, a appelé, dans une directive diffusée mardi, à « une réponse pénale très réactive » en cas de manquement au principe de laïcité dans les écoles.
Source l’AFP une synthèse de guinee-info.com